Le rôle des general counsels (GC) ne cesse de prendre de l’ampleur et de l’influence. Notre récente analyse de l’indice français du CAC 40 en 2024 permet d’observer les dernières mobilités au sein de ces grands groupes et montre l’évolution des profils. On remarque qu’il y a plus de femmes dans ce rôle, et que les general counsels nommés possèdent une expérience professionnelle plus longue, qui s’explique tant par l’exigence du rôle que par les responsabilités qui se sont accrues au cours de ces dernières années.
Pourtant, en dépit d’une formation juridique toujours plus rigoureuse, un périmètre élargi et plus d’exposition aux conseils d’administration, on observe toujours une sous-représentation des GC au Comex, qui n’est pas sans poser question.
Une crise sanitaire qui révèle l’importance des GC
La période 2020-2024 a été extrêmement dynamique et propice à la mobilité des GC. Depuis notre précédente étude en 2020, nous avons noté la rotation d’un tiers des general counsels dans les grands groupes du CAC 40, témoignant d’une grande vitalité pour une fonction traditionnellement plus sédentaire. La grande majorité de ces mobilités a eu lieu après la crise sanitaire qui a bouleversé les repères et entrainé de nombreux changements managériaux. La crise a donné un nouvel élan à la fonction, mettant en lumière le rôle clé des general counsels en temps de crise et dans la gestion des risques.
La moitié des GC sont présents au Comex
On observe que seul un GC sur deux fait partie du Comex : en 2024, sur les 38 general counsels du CAC 40, seule la moitié d’entre eux siège au Comex. C’est un peu mieux pour ce qui concerne les nominations récentes, avec 7 des 13 general counsels nommés depuis 2020 qui ont une place au sein des instances dirigeantes, mais ce n’est pas suffisant.
Le rôle des GC continue à s’étoffer et leur contribution permet notamment de traiter des sujets de conformité toujours plus complexes, des enjeux RSE et ESG et des risques de réputation, sujets de plus en plus souvent discutés en conseil d’administration.
Une féminisation qui s’accentue
Grâce à une augmentation de la proportion de femmes nommées dans la période récente, les femmes sont de plus en plus nombreuses dans les rôles de GC : de 2020 à 2024, 54% des GC nommés étaient des femmes, contre seulement 38% de 2018 à 2020. Dans l’ensemble, alors qu’elles ne représentaient qu’un quart des GC en 2020, aujourd’hui un tiers des general counsels des sociétés du CAC 40 sont des femmes.
On ne peut qu’applaudir cette plus grande mixité au sein des Comex, même si on est encore très loin d’une représentation équilibrée et que les femmes sont nommées avec une expérience professionnelle plus longue que leurs concurrents masculins. Une réalité qui surprend quand on sait que les femmes sont majoritaires dans la filière juridique. Elles quittent par ailleurs en moyenne plus vite que les hommes les cabinets d’avocats pour intégrer le monde de l’entreprise, ce qui leur donne une plus grande expérience managériale.
Un niveau de séniorité plus élevé
L’étude met également en évidence que les grandes entreprises recherchent des GC avec un niveau de séniorité et d’expérience élevé. On observe un âge moyen de 51,5 ans à leur nomination en 2024. Le niveau de séniorité exigé des femmes est plus important que pour les hommes puisque la moyenne d’âge aujourd’hui est de 53,7 ans chez les femmes, contre 49,3 ans chez les hommes. Cette différence pourrait d’ailleurs indiquer que les femmes se heurtent toujours à un plafond de verre, et ce malgré des politiques favorisant la mixité.
Dans l’ensemble, la tendance montre que les entreprises du CAC 40 exigent une expérience plus solide et complète pour ce rôle stratégique et très exposé. En effet, les risques pour l’entreprise sont de plus en plus nombreux, à la fois polymorphes et évolutifs. Le juridique joue le rôle de compas moral et incite les entreprises à privilégier des GC avec une forte expérience de la gestion de crise. La fonction va donc un peu à contrecourant des nominations des autres fonctions qui voient souvent des profils plus jeunes être retenus.
Une expérience internationale valorisée et nécessaire
Au sein des entreprises de l’indice boursier français, ce sont 50% des GC qui soit n’ont pas la nationalité française, soit ont une expérience professionnelle à l’étranger, et l’on observe que cette tendance s’accentue puisque dans la période 2020-2024 ce chiffre monte à 54%. Ceci démontre la force des grandes entreprises françaises actives globalement et ayant leur centre de décision en France. Il est logique pour ces entreprises au développement global de se doter de GC ayant une expertise et une expérience internationales. La connaissance du droit, des règles de conformité et des systèmes judiciaires d’autres pays sont nécessaires.
Par ailleurs, la compréhension de la stratégie internationale du groupe, des enjeux géopolitiques et sociétaux, des lois relatives à la concurrence et des réglementations sont critiques pour ce poste. Cela pose d’ailleurs la question de la pérennité des moyens mis en place par les grandes entreprises pour favoriser ces parcours internationaux, et ce notamment pour les femmes. En effet, paradoxalement, on observe qu’il y a de moins en moins de packages d’expatriation, ce qui est pourtant essentiel pour permettre aux familles de partir à l’étranger.
L’importance du passage au barreau
L’étude montre que la grande majorité (85%) des GC du CAC 40 a une expérience initiale au barreau et cette tendance s’accentue. Le chiffre monte à 88% pour les nominations depuis 2020. En revanche l’étude montre que le passage ne se fait pas directement d’avocat à GC. Sur les 13 nouveaux GC nommés récemment, seulement deux sont passés directement d’une fonction en cabinet au poste de GC. Ceci est confirmé par notre expérience. En effet, nos clients souhaitent la plupart du temps que nos candidats aient une formation initiale dans de grands cabinets internationaux avant de passer, avec succès, en entreprise.
• • •
Dans l’ensemble, on observe de nombreux signes positifs. L’étude montre que les tendances observées il y a quatre ans se renforcent, avec des GC plus féminins, un plus grand niveau de séniorité exigé et la nécessité d’une expérience professionnelle à l’international. Il demeure que seulement la moitié des GC du CAC 40 sont présents au Comex. Bien que le GC joue le rôle d’intégrateur et soit l’une des rares fonctions (la seule ?) à avoir une vue globale sur toutes les questions et enjeux du business et de l’entreprise, nous ne pouvons que constater que la profession juridique continue de souffrir d’un défaut d’image et de positionnement.